Le sentiment difficile à vivre et à comprendre est
qu'il y a aujourd'hui à la fois moins de violence et plus de violence,
que le monde est plus facile à vivre et plus impitoyable, que la bienveillance
est la loi universelle mais que la haine se porte bien, que la sécurité
est un droit mais que la peur règne.
Nous sommes dans l'après-guerre froide, la perspective
de la révolution a disparu, l'insécurité met en péril la sociabilité,
les médias sont notre mode obligé de rapport à la réalité - et notre
puissance technique pour utiliser et contrôler la violence s'est vertigineusement
accrue.
Nos sentiments et nos passions aussi ont changé.
Nous, Occidentaux, débordons de bienveillance, de philanthropie en
même temps que d'égoïsme et de correction politique - sans oublier
les richesses qui nous embarrassent. Nous sommes obsédés par notre
santé et avons une peur panique de la mort.
Le livre examine dans le détail ce qui a changé aussi
bien dans les faits, dans les sentiments et les passions que dans
les idées et théories et pourquoi, finalement, nous ne savons plus
vraiment quelle place assigner à une violence qui reste notre vieux
fonds d'inhumanité au sein de l'humain.
La première partie étudie les changements dans les
faits au plan international comme au plan intérieur, en tenant compte
du rapport aux médias et du rôle des instruments perfectionnés et
des modes de gestion de la violence. Elle fait le bilan de tout ce
qui a changé dans les données de la violence depuis une trentaine
d'années, que ce soit en matière de guerre, de terrorisme, d'insécurité.
La seconde partie étudie les changements dans les
sentiments avec lesquels nous vivons la violence : la bienveillance
dont nous faisons preuve tout en étant égoïstes, la peur de la mort
et des risques dans un monde obnubilé par la prudence, les précautions,
l'obsession de la rationalité instrumentale et du calcul en face du
défi des passions guerrières et de la fureur meurtrière.
La troisième partie étudie les changements dans les
idées, les représentations et les modèles d'interprétation de la violence
en partant de la philosophie politique classique pour graduellement
étudier les philosophies de la violence et finalement la désorientation
de pensées qui ne savent plus que faire de la violence tout en reconnaissant
la place immense qu'elle tient.
L'ouvrage se ferme sur deux scénarios d'avenir, celui
dit Fight Club Super Cannes et celui de l'Etat de droit cosmopolitique
mais répressif.