Professeur de philosophie
à Nanterre, Jean-Michel Salanskis est l'auteur
de L'herméneutique formelle (Paris: Editions
du CNRS, 1991), Heidegger (Paris: Les Belles Lettres,
1997), Le temps du sens (Orléans: Hyx, 1997),
Husserl (Paris, Les Belles Lettres, 1998), Le
constructivisme non standard (Lille, Presses
Universitaire du Septentrion, 1999).
Parution Novembre 2000: Modèles et
pensées de l'action (Paris, L'Harmattan,
Collection Action et savoir).
La situation contemporaine impose en
quelque sorte deux notions d'esprit : jouant sur les
possibilités de traduction, je distinguerai dans ce
qui suit entre l'esprit comme Mind et l'esprit comme
Geist.
J'aurai à cœur, non seulement de définir le
Mind,
objet congénital des recherches cognitives, et
d'exposer le conflit entre les deux constructions
mathématiques dont il relève, mais encore de
présenter le Geist de la philosophie
lui aussi dans une relation constitutive avec les
mathématiques, pour explorer diverses
résonances et surdéterminations entre la
duplicité Mind-Mind et la
polarité Mind-Geist. Dans un
second temps de cette étude, je tâcherai de
donner une définition personnelle du Geist et du
Mind,
puis d'interroger à nouveau la mathématique
dans son rapport à chacun d'eux suivant cette
nouvelle perspective, plus spécifiquement
philosophique.
Commençons donc par le
Mind et
sa double interprétation.
L'aporie du Mind
Le Mind est, donc,
l'esprit de la philosophy of
mind, celui qui est une partie de
la nature, et dont on veut fournir une description ou une
explication de type scientifique, suivant le projet des
sciences
cognitives.
Si, par le passé, la visée
d'une science de l'esprit a pu donner lieu à divers
savoirs de type philosophique au sens le plus large, de
l'herméneutique diltheyienne à la
sémiotique structurale, le projet cognitif inclut en
quelque sorte dans sa définition qu'il ne puisse pas
en aller de même cette fois. La réduction
cognitive de l'esprit se doit d'être une vraie
réduction à ce que la science a de plus
scientifique, à la science répondant au type
de la physique mathématique s'entend.
L'immensité du projet est suffisamment ressentie pour
qu'on s'accommode d'hésitations stratégiques
profondes, qu'on se dise prêt à des
aggiornamento radicaux, au gré desquels, par exemple, il
pourrait être décidé de mettre en
position directrice pour un temps la biologie et les
neurosciences, il n'en reste pas moins que dans une telle
hypothèse, ces disciplines elles-mêmes seraient
mises en jeu en tant que virtuellement susceptibles
d'être ramenées au standard de la physique. Si
les neurosciences "rendaient compte" de la performance
intelligente de l'homme sans sortir de leur caractère
largement descriptif, taxinomique, l'entreprise cognitive,
il me semble, ne pourrait être estimée avoir
réussi, un doute s'élèverait sur la
nouveauté du résultat, il resterait possible
d'imaginer qu'on s'est une fois de plus contenté de
raconter l'esprit en termes de lui-même. Donc, il
s'agit de se donner un traitement scientifique du
comportement spirituel qui soit semblable au traitement de
la nature par la physique mathématique,
l'intervention des mathématiques est quelque part
décisive pour garantir que la couverture de l'esprit
proposée n'est pas réflexive, circulaire,
interprétative.
Le Mind ne peut être
consacré Mind que par une
mathématisation. En sorte qu'il n'y a rien de
surprenant à ce que les grands paradigmes
s'affrontant aujourd'hui dans le champ cognitif se laissent
définir comme deux façons de concevoir
l'instrumentalisation des mathématiques au service
d'une science de l'esprit.
En bref et en substance, le
"computo-représentationnalisme" - la doctrine fixant
ce qu'on appelle paradigme
symbolique - se
caractérise de manière optimale par la
thèse selon laquelle le propre mathématique de
l'esprit est la logique, ou encore selon laquelle la
modélisation adéquate du fonctionnement mental
est donnée par la métaphore de l'ordinateur,
ou, pour le redire dans le langage même de l'instance
modélisante, la modélisation de l'esprit
repose sur l'égalisation de son fonctionnement
à un calcul ou une dérivation formelle.
De son côté, la
modélisation "dynamiciste" de l'esprit a pour article
fondateur cette idée que la "pensée" est
à chaque fois la stabilisation d'une dynamique
spirituelle en l'un de ses attracteurs. Idée qui a
été formulée en propres termes par C.
Zeeman dans le sillage de R. Thom (c'est ce qu'on appelle le
modèle de Thom-Zeeman), et qui a été
reprise telle quelle mais sans la mémoire de ce
précédent par le connexionnisme moderne. Le
dynamicisme existe à vrai dire en une variante
radicale qui garde l'idée de stabilisation mais ne
croit plus en la localisation représentationnelle de
la pensée, ni même sans doute en la
localisation cérébrale de la dynamique
pertinente : c'est la variante du constructivisme pur et
dur, du paradigme de l'enaction, de la vie artificielle, qui
demande qu'on remonte au dynamisme sous-jacent au processus
vital, ce qui veut dire notamment que l'on ne comprendra pas
la pensée en se donnant le sujet tout fait, avec des
modes de traitement prédonnés de la
stimulation externe, fussent-ils non logiques.
Il n'est au fond pac exclu, je
l'écris pour le moment à titre de remarque en
passant, que cette dilution trans-subjective ou plutôt
"Être-au-monde-iste" de la mathématisation dynamiciste de
l'esprit ne soit également possible dans le cadre du
paradigme symbolique : on obtient alors une conception
cognitive de type wittgensteinien, qui accepte que le sens
et son élaboration soient figurés au niveau
logique, mais qui refuse l'idée de l'implantation
subjective d'une machine logique de cette élaboration
fondamentale du sens (la machine pertinente est sociale ; de
plus, elle est sans doute indéterministe, ce qui
commence, il est vrai, à gauchir sérieusement
le modèle, mais pas pour ce qui regarde son "style"
mathé-ma-tique).
Cette affaire de subjectivation et de
localisation, cela dit, n'est pas immédiatement ce
qui nous occupe. Ce qui nous concerne est plutôt
l'aporie de la confrontation des deux intentions de
modélisation, qu'on pourrait appeler aporie du
face-à-face Fodor-Pylyshyn/Smolensky. En effet les
deux modélisations s'affrontent clairement comme
celle du discret et celle du continu, mais chacune est
profondément entamée, envahie par
l'idée de la légiti-mité de l'autre, la
bataille épistémologique portant simplement
sur la plausibilité de la capture par l'une ou
l'autre de ces modéli-sations de ce qui lui
manque.
La modélisation symbolique sait
qu'elle doit résoudre le triple problème de la
tranduction sensorielle, de l'implantation (= de
l'architecture fonctionnelle) et de la tranduction motrice,
qui est un triple problème de "quotientage" d'une
configuration continue en vue de l'obtention de structures
discrètes. Il faut comprendre comment les flux
d'information sensorielle, nécessairement
donnés dans une paramétrisation continue par
le naturalisme physique, sont convertis en de l'information
symbolique pertinente pour le "calculateur spirituel" par un
processus physiologique lui-même
appréhendé par une biologie tenant compte de
cette paramétrisation. Il faut comprendre comment les
processus neurophysiologiques effectuent les
opérations symboliques de base,
présupposées par une architecture
fonctionnelle que l'on a été amené
à spécifier sur la base d'indices
behaviouristes : de nouveau, le hiatus
épistémologique est celui du continu et du
discret, les affaires chimio-électriques du cerveau
n'ont aucune raison d'être d'emblées
"discrètes". Il faut enfin comprendre la transduction
motrice, c'est-à-dire la restitution d'actions
continues du corps à partir de la "sortie" du calcul
mental. Or les problèmes techniques et
théoriques soulevés par cette triple
entreprise sont visiblement immenses. On a le sentiment, et
de multiples indices "expérimentaux" l'attestent,
qu'il n'est jamais vrai que l'information ou la
pensée se "retirent" dans un quotient discret, que la
variation continue d'en bas ou du fond ne cesse jamais de
pouvoir compter, qu'il n'y a pas de critère physique
de similitude susceptible de fonder ou justifier l'oubli,
que l'esprit reste constamment en prise sur la
totalité du réel qui le meut/qu'il meut, cette
totalité étant à proprement parler sa
situation.
Symétriquement, la perspective
connexionniste ou dynamiciste ne peut jamais effacer
l'achèvement langagier-catégoriel de la
pensée. Au bout du compte, il n'y a rien que nous
appelions intelligence qui se manifeste autrement que par
des verbalisations compétentes dans des langues.
Lorsque le jeu d'un grand numéro 10 (Pelé,
Crujiff, Maradona, Platini, Zidane) est analysé comme
intelligent ou génial, cela signifie toujours qu'il
est "entendu" au-delà de la série de gestes
datés en lesquels il a consisté, ou
plutôt que cette donnée gestuelle est
récapitulée et ressaisie dans son adaptation
à des fins, cette adaptation elle-même
étant nécessairement jugée par rapport
à un système de places, de qualités, de
circonstances nommables et par avance
discrétisées. Ce n'est pas la trajectoire des
coups francs de Platini, dans sa déterminité
ensembliste, qui est l'intelligence, mais c'est d'une part
la solution du problème complexe posé par le
mur, la distance au but et l'angle d'approche qu'elle
fournit - accessoirement avec l'additif d'un jeu de feinte
avec les partenaires - d'autre part l'élément
esthétique et analogique exprimé par
l'adjectif "feuille morte" dans son application au tir :
jamais le continu comme tel, mais des déterminations
"à issue discrète" qui s'affectent à ce
continu. En dépit du rôle tout à fait
essentiel que joue la forme, la morphè pour
l'accomplissement de la pensée ou l'intelligence
comme telles, cette morphè n'est pas
pas suffisante à nous placer dans le registre de ce
qui vaut comme pensée, il y faut encore la signature
d'une verbalisation ou d'une catégorialité.
Strictement la forme de la trajectoire avec la
pénétration ultime du mobile dans l'aire du
but n'est pas encore le "coup", la performance cognitive,
elle reste à ce stade insensée : la
qualification multiple évoquée à
l'instant, en termes de conditions environnantes nommables,
de la notion métamathématique de
problème, et de prédicats esthétiques
synthétisants est ce qui proprement fait sortir la
configuration spatio-temporelle ontique de l'insignifance.
Cette dépendance de la pensée, de la cognition
sur le langagier et le catégoriel dépend
elle-même de ce que nous entendons et comprenons sous
le nom de sens. Au bout du compte, pour que nous parlions de
comportement cognitif, il faut qu'il y ait production de
sens, et cela ne se peut que pour autant que du dicible
renvoie à du dicible, il n'y a sens qu'autant qu'un
renvoi est instauré dans le champ du dicible.
L'importance du catégoriel, à cet
égard, correspond à une modalité du
renvoi, la modalité de subsomption.
La discussion technique-critique de la
modélisation connexionniste, rapportée par
exemple par Livet dans son [1995] (1), me semble ne pas
avoir un autre objet. La systématicité et la compositionnalité qui sont mises en avant par Fodor et Pylyshyn
comme requisits à l'égard de tout
modèle cognitif correspondent à cette
idée du renvoi et de la catégorialité :
la systématicité (le fait que, si je sais
penser la subsomption de x sous F et de y sous G, je sais
aussi penser la subsomption de x sous G et de y sous F)
correspond à l'idée que le catégorial
se sépare comme quelque chose à quoi il peut
être renvoyé de façon stable, et ne
reste pas absurdement l'enveloppe singulière et
exceptionnelle d'un singulier à chaque fois ; la
compositionnalité correspond à l'idée que la
structure de certaines performances, qui sont
privilégiées pour un compte rendu particulier
au titre de leur structure justement, s'explicite comme
renvoi mutuel des termes assemblés et du terme
assemblant, ce qui, on le sait, sur un plan
logico-mathématique, se figure au moyen d'arbres. Or,
ce qui ne semble pas possible, en substance, c'est que la
fiabilité régulière de ces renvois,
leur façon d'avoir cours au titre de la règle,
d'avoir cours sur le mode récurrent, d'avoir cours en
quelque sorte en réponse à un appel immanent
au niveau où ils ont cours puissent être
considérées comme commandées et
comprises à partir du continu et de la variation
continue qui constituent le substrat des entités et
des formes en cause. Constamment, ce qui peut être mis
en évidence par les modélisateurs
émergentistes, c'est la projection d'une
diversité sous-jacente et de ses
micro-événements sur des entités de
haut niveau et des événements du même
niveau. Mais jamais une telle projection ne constitue le
renvoi de haut niveau comme légalité, dans
aucune de ses modalités (catégorielle ou
syntaxique).
Cette rapide analyse, tout à fait
classique dans son contenu, de la double aporie, nous permet
de souligner l'élément mathématique sur
lequel elle se fixe : celui du quotient et de la
projection. L'insuffisance de la modélisation
dynamiciste, aussi bien que de la modélisation
symbolique, a à voir avec le schème
mathématique de la surjection canonique E
®E/R
qui les met en rapport. Les codes du paradigme symbolique
résument des diversités dont les
éléments sont assimilés, ce qui est
présupposé est que la nature factorise le
réel externe et le réel biologique pour les
besoins de l'esprit, comme Pylyshyn l'explique admirablement
bien dans la section The bridge
from physical to symbolic de son
célèbre traité (2). De même,
l'explication connexioniste ou plus
généralement morphodynamique doit nous dire
comment la dynamique des substrats pertinents, qu'elle nous
présente, se projette sur les entités et les
mécanismes de haut niveau que nous connaissons. Ce
qui s'appelle ici projection est encore de l'ordre de la
surjection canonique, seulement la relation
d'équivalence sous-jacente est donnée par un
critère topologico-dynamique. Prototypiquement, deux
points sont assimilés s'ils sont dans le bassin du
même attracteur, ce qui se définit au moyen des
ouverts de la variété interne et du flot du
champ de vecteur. Mais la surjection canonique est une
trahison en deux sens, ou encore "dans les deux sens"
:
1) la détermination situationnelle
intégrale de la pensée par la totalité
de ce qui vaut comme son support
ontico-événementiel ne peut jamais être
oblitérée, on ne peut jamais tenir pour
assuré que l'on a eu raison de réduire
à l'identité une différence qu'on a
déjà enregistrée comme pertinente pour
l'organisme "quelque part" en professant la connaître
depuis le dispositif épistémique ;
2) le mécanisme du renvoi
langagier-catégoriel se définit en revanche
par l'oubli et l'autonomie à l'égard de ce
substrat, et une modélisation qui l'y ramène
en trahit par principe le mode de récurrence
escompté.
Telle est donc l'aporie de la
modélisation, l'aporie Mind-Mind. Venons-en
à l'aporie Mind-Geist.
L'idée de la
subjectivité mathématique : Geist vs
Mind
Mais par ailleurs, les
mathématiques et l'esprit sont dans un second
rapport, qui ne doit rien à cette affaire de
modélisation, un rapport qui préexiste de fort
loin à l'ère cognitive.
Présentation
philosophique du Geist
On se fait, depuis Platon en tout cas,
une certaine idée philosophique de l'esprit, que je
choisis d'emblématiser par le terme allemand
Geist :
à l'exercice de la rationalité
universalisante, on est tenté d'associer une
faculté, un sujet, et c'est ce sujet ou cette
faculté qui reçoit le nom d'esprit au sens du
Geist.
Mais de plus, cette volonté philosophique de
l'universel est liée aux ma-thé-ma-ti-ques par
une sorte de complicité profonde. Chez Platon, le
lien est décrit et promulgué de façon
exemplaire : l'exercice de la mathématique est
présenté dans République, VII,
comme propédeutique de la considération de
l'intelligible, tournant le dos aux simulacres, et la clause
statutaire du "Nul n'entre ici s'il n'est
géomètre" s'y accorde naturellement. Mais
l'idée de cette provenance mathématique de la
quête philosophique se maintient tout au long de la
tradition, pour trouver par exemple chez Husserl, tout
près de nous, une corroboration
éclatante.
La volonté de l'universel que je
nomme Geist me semble en principe inobjectivable : je regarde
le Je pense kantien ou l'ego transcendantal
husserlien comme ses avatars modernes, et c'est pour cette
raison, sans doute, que je lui donne un nom allemand. En
première approximation, le Geist de la philosophie
est donc un autre du Mind des sciences
cognitives, trouvant dans la mathématique son
expérience fondatrice plutôt que la voie de son
objectivation.
Bien entendu, la tradition philosophique
abrite aussi des projets de compréhension naturaliste
de l'esprit. Husserl décrit ainsi les
démarches de Locke, Berkeley ou Hume, ses
pseudo-prédécesseurs anglais. Spinoza, dans le
De mente, affiche, si j'en crois Pierre Macherey,
l'intention de théoriser l'esprit au sein de la
nature, et non pas "tamquam
imperium in imperio", comme
exception irrationnelle. Pourtant, même chez lui,
l'idée d'une activité
universaliste affine ou résonnante avec la
ma-thé-ma-ti-que, sous le nom de connaissance du
second ou du troisième genre, semble nettement
affirmée, en sorte que j'hésiterais à
le compter comme omettant la figure du Geist.
Au point où nous en sommes, je ne
veux pas tenter de définir plus le Geist, ni de tirer
un bilan sur son insistance dans l'histoire de la
philosophie. Plusieurs autres éclairages, qui vont
venir, aideront à mieux cerner la notion. Je tenterai
même, un peu plus loin, de formuler une
définition du Geist dans des termes personnels. Je
voudrais seulement terminer cette section en allant au
devant d'une objection qui me semble naturelle.
On pourrait dire, en effet, que c'est
seulement la philosophie continentale qui a conçu le
lien de la mathématique et du Geist. Mais il me
semble qu'il n'en est rien. La philosophie analytique, au
contraire, est née de l'idée d'une
identification possible de la rationalité avec la
"forme" extraite par Frege de l'arithmétique : la
logique des prédicats du premier ordre, qui n'a pas
tardée à être complétée
par sa sémantique, donnant naissance à la
figure que j'appelle celle du LPC-SL (3)) , et qui est
à l'évidence, dans l'aire analytique, une
figure normative, fixant le sens de ce qui s'appelle
démarche rationnelle. C'est ce qui explique, par
exemple, que Carnap ait pu envisager une réforme de
la raison à partir du LPC-SL. C'est aussi ce qui
explique, a
contrario, que Putnam puisse
aujourd'hui essayer de réfuter l'idée d'un
ancrage expérientiel ou cognitif de la raison en
faisant fond sur le LPC-SL, pourvoyeur de modèles
inattendus en l'occurrence. Citons encore
l'interprétation de la science par Popper, et l'on
aura assez prouvé que la philosophie analytique
connaît aussi un Geist, de substance logique
plutôt que mathématique en l'occurrence. Pour
la tradition analytique aussi, il y a un "esprit" dont
émanent toutes les démarches d'analyse et de
compréhension, de portée universelle,
auxquelles s'identifie la philosophie. Seulement la
philosophie analytique témoigne de ce qu'il y a une
alternative au "mathématisme" platoniste : ce serait
le "logicisme" qu'on peut faire remonter à Aristote,
et qui consiste à voir dans la forme et dans la
règle logique le "modèle" de l'activité
d'élucidation propre à la philosophie (4)
.
(1) "Connzxionnisme et fonctionnalisme,
Intellectica, 1995/2, n°21
(Fonctionnalismes), pp. 175-197.
|
(2) Pylyshyn, Z., Computation and
Cognition, Cambridge, Massachussetts, MIT
Press, 147-191.
|
(3) Cf. "Systématisation et
dépossession, en mode continental ou
analytique", in Revue de Métaphysique et
de Morale, n°3, 1995, 373-404.
|
(4) La tradition du Geist logique,
à y bien réfléchir, n'a jamais
cessé d'être illustrée tout au
long de l'histoire de la philosophie, y compris,
parfois, par es auteurs se situant en même
temps, parallèlement, dans la lignée
du mathématisme platonicien (comme Leibniz).
|